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Senteurs, parfums et arts olfactifs – Définitions et généralités

C’est le confinement, et qui dit confinement dit ennui mortel en télétravail. Las, j’ai décidé de rédiger le guide que vous trouverez ci-après, parceque avouons le, vous n’y connaissez rien en parfum, alors qu’on vous a déjà probablement offert une bouteille ou deux qui trainent dans votre salle de bain, sans trop savoir quoi en faire.

Heureusement pour vous, depuis plus de quatre ans, j’ai décidé de m’intéresser à ce sujet. Vous trouverez donc ici une mine d’information qui vous permettra d’une part de sentir bon, mais aussi de pouvoir faire des choix informés tout en brillant en société. Commençons donc, suivez le guide et tâchez de ne pas vomir lorsque vos narines seront submergées par diverses molécules odorantes.

1) Qu’est ce que le parfum

L’appellation de parfum, senteur et autres matières odorante couvre un large spectre de produits et d’habitudes que l’humain utilise depuis la nuit des temps. De l’encens rituel au monoï des îles, du déodorant à votre lessive, notre quotidien est rempli d’odeurs qui ne sont pas le fait du hasard.

Ici, nous allons nous intéresser uniquement aux parfums à base alcooliques (ou parfois aqueuse, mais c’est encore rare). Sachez qu’il existe toutefois, en particulier au Moyen Orient, des bases huileuses, appelées attar.

Bases alcooliques donc, la majorité de la production mondiale de parfums pour humains, avec des dénominations qui veulent tout et rien dire. Pourquoi l’alcool ? Parceque la plupart des matières utilisées en parfumerie, qu’elles soient de synthèse ou naturelles (j’y reviendrai), sont solubles dans l’alcool, mais pas dans l’eau par exemple, en tout cas pas sans aide.

On distinguera les termes suivants à toutes fins utiles :

  • Brumes parfumées. Moins de 3% de molécules odorantes. Faible tenue, on est vraiment dans l’odeur éphémère.
  • Eau de cologne. La plus faible concentration de matières parfumées en théorie. Historiquement, les hommes ont commencé à porter des colognes.
  • Eau de toilettes. Là, on augmente un peu la masse d’ingrédients olfactifs, de 5 à 15%.
  • Eau de Parfum. Plus rare déjà, car plus coûteuse à produire, plus de 10% mais moins de 20% de molécules odorantes.
  • Parfum pur ou Extrait de parfum: 15 à 40% de principes odorants. Là, on est dans la Rolls Royce du parfum. Si vous en aspergez trop, soyez prêt à causer des malaises.

Vous aurez remarqué que les définitions se recouvrent, et elles ne sont donc qu’indicatives. Le meilleur moyen de savoir est donc de regarder l’étiquette des ingrédients, qui précisera le pourcentage d’alcool dans la bouteille. En plus, certains trichent pour des raisons marketing. On pensera par exemple à Atelier Cologne qui utilise le terme “Cologne Absolue” pour une concentration à 15%. Mais les hommes, les vrais, n’achètent pas de parfum, au mieux, ils achètent de l’eau de toilette. Comme vous le verrez plus tard, ce n’est pas le seul tour de passe passe du métier.

2) Pourquoi porter du parfum ?

De la même manière que vous choisissez ou non vos vêtements le matin, vous pouvez choisir ou non votre odeur. Comme je l’ai mentionné plus haut, votre lessive, votre déodorant, les résidus d’oignon de votre curry d’hier qui suintent par les pores de votre peau, même votre produit coiffant sont autant d’odeurs qui vous suivent, que vous remarquez parfois, mais pas toujours, et que votre entourage peut remarquer, en particulier dans les univers stériles de nos bureaux modernes.

Se parfumer, c’est donc faire le choix de maîtriser une partie de votre image, olfactive et non visuelle. Vous serez bien évidemment jugé sur vos choix, comme vous l’êtes sur vos vêtements. L’avantage étant qu’à l’exception des camps naturistes, tout le monde s’habille, mais peu de gens se parfument, et moins encore parmi les hommes. Parmi ceux qui se parfument, trop peu prennent le temps de réfléchir à ce qu’ils aiment, et se retrouvent donc victime des modes et des grandes enseignes avec des budgets marketing faramineux.

Parceque dans l’ombre d’un Sauvage, il existe des centaines de parfums produits en petite quantité, qui visent une portée plus artistique. En dehors de l’utilitarisme moderne du parfum, souvent porté pour “sentir le propre” ou “choper des filles” (probablement les deux raisons qui font vendre la majorité des parfums pour homme), il est possible de sentir des choses comme la Nébuleuse d’Orion, une grotte peuplée de chauves souris frugivores, la peau d’un animal en rut, une plage en Calabre, une forêt après l’orage, et j’en passe. Les odeurs sont liées à la mémoire, et les parfumeurs sont autant artistes et créateurs qu’artisan. Le milieu est un moyen d’expression de la chimie organique, l’art de l’agencement des molécules odorantes. Ce qui nous amène à la partie suivante.

3) Comment catégoriser les parfums ?

Comme vous l’avez lu précédemment, on a catégorisé les parfums selon leurs concentrations. C’est bien, mais pas suffisant. On a ensuite créé des familles, comme les Orientaux (épices, vanilles, par exemple), les Aquatiques, les Hespéridés à base d’agrumes, etc… Je ne vous embêterai pas avec ça parceque certains parfums rentrent de toute façon dans plusieurs cases.

Autre moyen de catégoriser, les saisons, occasions et critères techniques. La parfumerie comme je le disais, c’est de la chimie. Un parfum étant composé de molécules plus ou moins volatiles, il va se comporter différemment selon les températures de votre environnement ET de votre peau. Il va aussi répondre à l’hydratation et au taux de lipide de votre épiderme. Enfin, selon les molécules utilisés, il va tenir plus ou moins longtemps, porter plus ou moin loin, et laisser un sillage plus ou moins important. Définissons donc ces termes qui nous serviront plus tard :

  • Jour. En général, on entends par parfums de jour des parfums plutôt sans risques, que vous pouvez porter au bureau et dans d’autres zones fermées.
  • Nuit. A l’inverse, là, vous risquez d’être au restaurant, dans un bar, sur les quais de votre fleuve favori, en boîte. Dans ces conditions, votre odeur va entrer en compétition avec d’autres.
  • Printemps, été, automne, hiver. Plus il fait chaud, plus certaines molécules vont disparaître rapidement. Plus il fait froid, moins certaines vont s’exprimer. Utiliser les saisons est évidemment très ethnocentrique, et il ne fait de toute façon pas la même températures à Paris l’hiver qu’à La Clusaz ou à Basse Terre, idem l’été quoique cet été, il fait chaud partout 😀
  • Tenue. Le temps pendant lequel vous sentirez votre parfum. Selon les molécules, vous pourrez ou non vous attendre à une grande tenue. Par exemple, les molécules d’agrumes disparaissent toujours vite. Il est possible de les fixer un peu grâce à d’autres, mais ne vous attendez jamais à des miracles. A l’inverse, une base ambrée pourra tenir 24h sur votre peau, parfois plus sur vos vêtements. Bien évidemment, la concentration joue sur la tenue.
  • Sillage. Le nuage qui vous suit, la trace parfumée que vous laissée dans votre… sillage. Portée. Le nuage qui vous entoure, la distance à laquelle on perçoit votre parfum. On peut aller de l’odeur de peau à Tchernobyl.

Concernant les 3 critères que sont la longévité, le sillage et la portée, ils sont un outil de choix mais ne doivent pas être la seule raison de votre choix. Il vaut mieux sentir bon que sentir fort.

Dernière différenciation, le type de producteur. Comme pour le cinéma, on a une production purement mercantile, des block busters et une production indépendante pour connaisseurs. On utilise en général les termes “Designer” pour les maisons classiques, et “Niches” pour les indépendants. Toutefois, là encore, les frontières sont floues. Chaque maison comme Dior ou Hermès, qui ne sont pas parfumeurs à l’origine, propose une offre grand public que vous trouverez dans votre Sephora, et une offre haut de gamme, disponible dans des points de vente spécialisée ou en ligne uniquement. Ce qu’il faut savoir, c’est que le marché de niche permet des prises de risques et des ingrédients qui ne peuvent être utilisés en mass market, en particulier en parfumerie naturelle.

4) Naturel, synthétique, formules.

Un parfum est un assemblage de diverses molécules qui remplissent toutes des fonctions diverses. Il faut savoir que la plupart de ces molécules, en particulier dans les parfums grand public, sont des molécules de synthèse, et ce depuis des lustres. Alien de Mugler par exemple, doit son odeur caractéristique à l’utilisation de Cashmeran, une molécule qui n’existe pas dans la nature, et ce depuis son lancement en 2005. Il faut comprendre que l’objectif du parfumeur n’est pas de reproduire le naturel (même s’il s’y essaye parfois), et qu’il est de toute façon extrêmement difficile de le faire. Imaginez par exemple que vous voulez reproduire l’odeur de la menthe fraîche : sans connaissance, vous me direz “prenons de l’huile essentielle de menthe”. Sauf que celle ci est obtenue par chauffage, qui détruit donc de nombreux composés, et n’a pas la fraîcheur qu’on recherche. De plus, certains composés naturels sont irritants et donc interdits ou extrêmement limités en parfumerie. Enfin, le coût des produits naturels est souvent très élevé à la production à l’exception de certaines monocultures comme la lavande, et les variations d’une récolte à l’autre sont difficiles à maîtriser (comme par exemple dans le milieu viticole).

Rappelons qu’une rose contient plus de 500 composés odorants… dont très peu sentent la rose.

Dernier petit paragraphe chiant sur les formulations. Un parfum change régulièrement de formule s’il est produit sur des dizaines d’années, au fur et à mesure des changements législatifs, et parfois au gré des modes. Toutefois, cela reste assez rare. Prenons Chanel N°5 justement. Depuis sa création, la formule a dû changer pour deux raisons : d’une part, la formule d’origine utilisait des glandes de civettes (petit carnivore connu pour manger et déféquer du café qui vaut cher), qui n’est évidemment pas élevable dans les quantités nécessaires à l’échelle de production de ce parfum, en particulier dans des bonnes conditions. De plus, certains muscs (appelés nitro muscs) ont été interdits par l’IFRA car cancérigènes (l’agence qui d’auto-régulation de la parfumerie au niveau mondial) et l’Union Européenne. Chanel n’a donc pas eu le choix. En réalité souvent, les formules changent lors des rachats et autres, car qui dit rachat dit changement de fournisseur de matières premières.

C’est tout pour aujourd’hui, dans le prochain article, on va parler shopping. Entre temps, n’hésitez pas à poser vos questions ci-dessous !